Réunion du 16/11/2010

 

                                              Polémique au sujet de la vaccine

 

On dit que les Indiens et les Chinois connaissaient la variolisation avant le XIe siècle mais ces origines précoces sont remises en causes par certains auteurs [  ][]et la première mention indiscutable de la variolisation apparaît en Chine au XVIe siècle[]. Il s'agissait d’inoculer une forme qu’on espérait peu virulente de la variole en mettant en contact la personne à immuniser avec le contenu de la substance suppurant des vésicules d'un malade.

En 1760, Daniel Bernoulli démontra que, malgré les risques, la généralisation de cette pratique permettrait de gagner un peu plus de trois ans d’espérance de vie à la naissance. La pratique de l'inoculation de la variole a suscité de nombreux débats en France et ailleurs[].

En 1796, le médecin anglais Edward Jenner fera la même découverte et se battra afin que l'on reconnaisse officiellement le bon résultat de l'immunisation. Le 14 mai 1796, il inocula à un enfant du pus prélevé sur la main d'une fermière infectée par la vaccine, ou variole des vaches, qui était présente sur les pis de la vache. Trois mois plus tard, il inocula la variole à l'enfant qui s'est révélé immunisé. Cette pratique s'est répandue progressivement dans toute l'Europe. Le mot vaccination vient du latin vacca qui signifie vache et supplante le mot variolisation.

 

Un vaste programme de vaccination est mis en place sur toute la France mais, de nombreuses personnes expriment beaucoup de craintes, au point de s’y opposer. Des parents ont refusé catégoriquement que leurs enfants soient vaccinés. L'on a vu dans une des contrées les plus favorisées du département, un père de famille s'irriter de ce qu'on eût vacciné son enfant contre sa défense, et s'empresser de faire disparaître avec ses ongles les piqûres vaccinales.

 Le rapport annuel de 1846, fait par le comité central de vaccine du département de la Haute-Garonne, signale le peu d’empressement que les maires et les prêtres desservants de certaines communes, notamment dans les cantons de Toulouse sud, Grenade, Aurignac, Cintegabelle, mettent à exécuter les mesures prescrites par l’autorité supérieure. Non seulement ils négligent d'user, en faveur de la vaccine, de l'influence morale qu'ils ont sur les populations ; mais souvent même ils poussent la négligence jusqu'à ne pas annoncer l'arrivée du vaccinateur cantonal, ce qui rend beaucoup de tournées infructueuses. On a eu plusieurs fois la preuve du bon vouloir de l'autorité épiscopale ; mais l'inertie et quelquefois même la résistance des desservants en paralysent les effets. Il serait à désirer que les recommandations fussent renouvelées, en les étendant à tous les degrés de la hiérarchie ecclésiastique, et que des instructions analogues fussent développées dans les séminaires.

Ce rapport conduisit le préfet à leur adresser un rappel à l’ordre.

 

MM. les ecclésiastiques composant le clergé de Grenade, se trouvant injustement désignés comme ne secondant pas dans ce canton la propagation de cette opération si utile à l'humanité, écrivirent à ce sujet à M. le préfet du département la lettre suivante :

 

                                                                                       Grenade, le 5 juillet 1847.

                     Les membres du clergé paroissial du canton de Grenade

                             à Monsieur le préfet de la Haute-Garonne.

Monsieur le préfet,

Le clergé paroissial du canton de Grenade réuni en conférence ecclésiastique, a pris connaissance du rapport que vous lui avez adressé sur le travail de MM. les vaccinateurs pendant l'année 1846.

Comme tous les ans il s'attendait à quelques récriminations générales ; mais il était loin de penser que tous les curés du canton se verraient désignés à l'opinion publique comme les adversaires les plus opiniâtres de la vaccine.

Vivement blessé, le clergé paroissial ne peut accepter en silence les accusations d'incurie, d'inertie et de résistance qui lui sont faites avec tant de publicité. Il ne peut s'empêcher de protester contre toutes ces expressions outrageantes, et de déclarer hautement, que comprenant toute l'étendue de sa mission, il ne sait rester au-dessous de ses devoirs et des ses obligations,

même pour ce qui intéresse le bonheur des peuples ici bas.

Que si la vaccine n'obtient point dans le canton de Grenade, toute la faveur et le succès qu'on serait en droit d'espérer, ce n'est pas sur le clergé paroissial qu'il faut s'obstiner à en jeter la faute. Ce qu'il importe que vous sachiez, Monsieur le préfet, c'est que MM. les curés n'ont rien négligé pour seconder vos bienveillants efforts et combattre les préjugés que certains pères de familles ont encore contre la vaccine.

Les auteurs donc de ces reproches, avant de les faire insérer dans un rapport qui parcourt, tout le département et dont les feuilles publiques ont rendu compte, auraient dû réfléchir et ne pas hasarder des assertions qu'il est si aisé de démentir.

Le clergé paroissial les dément en effet, et puisqu'on le pousse à bout, la force de la vérité l'oblige maintenant à dire tout haut, qu'il n'est jamais officiellement prévenu par personne, ni du

jour ni de l'heure où M. le vaccinateur cantonal doit se rendre dans chaque commune. Peut-on se plaindre avec justice si son arrivée n'est pas annoncée; et si un grand nombre de ses tournées

sont déclarées infructueuses ?

Le clergé paroissial du canton de Grenade désire, Monsieur le préfet, que ces paroles de convenance et de protestation qu'il a été forcé de vous adresser, détruisent enfin dans tous les esprits, et surtout auprès des membres du conseil de vaccine, cette espèce de défaveur dont on se plaît à environner le clergé et dont plusieurs de leurs rapports ont souvent porté l'empreinte.

Daignez agréer, Monsieur le préfet, l'hommage de notre respect et de la haute considération avec laquelle nous avons l'honneur d'être, vos très-humbles et très obéissants serviteurs :

 

DELOM, desservant de Montaigut; H. TEULADE, desservant de Thil ; ESPARBIÉ, desservant de Merville ; LATASTE, desservant de Galembrun ; DASTARAC, desservant de Daux, CHAMAYOU, desservant de Seilh ; CRABIÉ, desservant de Launac; GRÈS, desservant de Saint-Cézert ; PIETTE, desservant d'Aussonne ; NOLÉ, desservant du Burgaud ; J. ESPARBIÉ, desservant de Larra ; COSTES, desservant de Bretx ; PINEL, desservant de St-Caprais ; PASSERIEU, curé de Grenade.

 

Cette réclamation était accompagnée de la lettre suivante, écrite par M. le vaccinateur du canton de Grenade :     

                                                             Merville, le 5 juillet 1847.

 

A MM. Les curés du canton de Grenade.

 

Messieurs,

Ce n’est pas sans étonnement que je me suis vu désigné, par une note, à la suite d'un paragraphe du rapport du comité central de vaccine, qui contient un blâme sévère contre MM. Les maires et MM. les desservants.

S'il est vrai que j'ai signalé, que dans telle commune, le maire, moins par mauvais vouloir que par indifférence, secondait peu le vaccinateur, je me suis hâté d'ajouter que c'était l'exception, et que je n'avais qu'à me louer du zèle, de l'intelligence et de la bonne volonté de MM. les maires du canton. Et, quant à MM. les desservants, pas un seul mot dans mon rapport qui puisse les atteindre. D'ailleurs, diriger contre vous, messieurs, une accusation quelconque de ma part eût été un imprudent mensonge, qui aurait reçu un démenti immédiat ; car tout le monde sait que, zélé observateur de tous ses devoirs, le clergé de notre canton se distingue surtout par un esprit trop élevé pour pouvoir être soupçonné de ne pas favoriser de toute son influence la propagation d'un moyen, qu'une expérience déjà longue a démontré être un immense bienfait pour l'humanité.

Incapable d'articuler un mensonge, encore moins de faire une méchanceté, et désirant particulièrement conserver l'estime dont plusieurs d'entre vous daignent m'honorer, je devais à ma considération personnelle, et je vous devais aussi, messieurs, les explications qui précèdent, et dont je vous autorise, dans l'intérêt de la vérité, à faire l'usage qu'il vous conviendra.

Daignez agréer, etc…

Le vaccinateur du canton de Grenade, JOUVION.

 

Pour copie conforme

Le délégué du clergé paroissial du canton de Grenade,

PINEL, desservant de St-Caprais (banlieue de Grenade).

 

Depuis cette époque la vaccination est devenue courante pour plusieurs maladies, notamment la grippe, et l’on a pu constater récemment qu’elle suscite les mêmes craintes et les mêmes polémiques qu’autrefois.

En ce qui concerne la variole, la vaccination a complètement éradiqué cette maladie à tel point qu’elle ne figure plus au programme de l’enseignement dans les facultés de médecine. Le dernier cas connu dans le monde remonte à 1977, en Somalie.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Source : Le Journal de Toulouse