Polémique au sujet de la
vaccine
On dit que les Indiens et les Chinois connaissaient la variolisation
avant le XIe siècle mais ces
origines précoces sont remises en causes par certains auteurs [ ][]et la première
mention indiscutable de la variolisation apparaît en Chine au XVIe siècle[]. Il s'agissait
d’inoculer une forme qu’on espérait peu virulente de la variole
en mettant en contact la personne à immuniser avec le contenu de la substance
suppurant des vésicules d'un malade.
En 1760, Daniel
Bernoulli démontra que, malgré les risques, la généralisation de
cette pratique permettrait de gagner un peu plus de trois ans d’espérance de
vie à la naissance. La pratique de l'inoculation de la variole a suscité de
nombreux débats en France et ailleurs[].
En 1796, le médecin anglais Edward Jenner fera la même découverte et se battra afin que l'on reconnaisse officiellement le bon résultat de l'immunisation. Le 14 mai 1796, il inocula à un enfant du pus prélevé sur la main d'une fermière infectée par la vaccine, ou variole des vaches, qui était présente sur les pis de la vache. Trois mois plus tard, il inocula la variole à l'enfant qui s'est révélé immunisé. Cette pratique s'est répandue progressivement dans toute l'Europe. Le mot vaccination vient du latin vacca qui signifie vache et supplante le mot variolisation.
Un vaste programme
de vaccination est mis en place sur toute
Le rapport annuel de 1846, fait par le comité
central de vaccine du département de
Ce rapport
conduisit le préfet à leur adresser un rappel à l’ordre.
MM. les
ecclésiastiques composant le clergé de Grenade, se trouvant injustement désignés comme ne secondant pas dans ce canton la propagation de cette opération si utile à l'humanité, écrivirent à ce sujet à M. le
préfet du département la lettre
suivante :
Grenade, le 5 juillet 1847.
Les membres du clergé paroissial du canton de
Grenade
à Monsieur le préfet de
Monsieur le préfet,
Le clergé
paroissial du canton de Grenade réuni en conférence ecclésiastique, a pris connaissance du rapport que vous lui avez
adressé sur le travail de MM. les vaccinateurs pendant l'année 1846.
Comme tous les ans
il s'attendait à quelques récriminations générales ; mais il était loin de penser que tous les curés du canton
se verraient désignés à l'opinion publique comme les adversaires les plus opiniâtres de la vaccine.
Vivement blessé, le
clergé paroissial ne peut accepter en silence les accusations d'incurie,
d'inertie et de résistance qui lui sont faites avec tant de publicité. Il ne
peut s'empêcher de protester
contre toutes ces expressions outrageantes, et de déclarer hautement, que comprenant toute l'étendue de
sa mission, il ne sait rester
au-dessous de ses devoirs et des ses obligations,
même pour ce qui
intéresse le bonheur des peuples ici bas.
Que si la vaccine
n'obtient point dans le canton de Grenade, toute la faveur et le succès qu'on serait en droit d'espérer, ce n'est pas sur le clergé paroissial qu'il faut s'obstiner à en jeter la faute. Ce qu'il importe que vous
sachiez, Monsieur le préfet, c'est que MM. les curés n'ont rien négligé pour seconder vos bienveillants efforts et combattre les
préjugés que certains pères de
familles ont encore contre la vaccine.
Les auteurs donc de
ces reproches, avant de les faire insérer dans un rapport qui parcourt, tout le département et dont les feuilles
publiques ont rendu compte, auraient dû réfléchir et ne pas hasarder des assertions qu'il est si
aisé de démentir.
Le clergé
paroissial les dément en effet, et puisqu'on le pousse à bout, la force de la vérité l'oblige
maintenant à dire tout haut, qu'il
n'est jamais officiellement prévenu par personne, ni du
jour ni de l'heure
où M. le vaccinateur cantonal doit se rendre dans chaque commune. Peut-on se
plaindre avec justice si son arrivée n'est pas annoncée; et si un grand nombre
de ses tournées
sont déclarées
infructueuses ?
Le clergé
paroissial du canton de Grenade désire, Monsieur le préfet, que ces paroles de convenance et de
protestation qu'il a été forcé de
vous adresser, détruisent enfin dans tous les esprits, et surtout auprès des membres du conseil de
vaccine, cette espèce de défaveur dont on se plaît à environner le clergé et dont plusieurs de leurs rapports ont souvent
porté l'empreinte.
Daignez agréer,
Monsieur le préfet, l'hommage de notre respect et de la haute considération avec
laquelle nous avons l'honneur
d'être, vos très-humbles et très obéissants
serviteurs :
DELOM, desservant
de Montaigut; H. TEULADE, desservant
de Thil ; ESPARBIÉ, desservant
de Merville ; LATASTE, desservant
de Galembrun ; DASTARAC, desservant de Daux, CHAMAYOU, desservant de Seilh ; CRABIÉ, desservant de
Launac; GRÈS, desservant de
Saint-Cézert ; PIETTE, desservant
d'Aussonne ; NOLÉ, desservant
du Burgaud ; J. ESPARBIÉ, desservant
de Larra ; COSTES, desservant de Bretx ; PINEL, desservant de St-Caprais ; PASSERIEU, curé de Grenade.
Cette réclamation
était accompagnée de la lettre suivante, écrite par M. le
vaccinateur du canton de Grenade :
Merville, le 5 juillet 1847.
A MM. Les curés du
canton de Grenade.
Messieurs,
Ce n’est pas sans
étonnement que je me suis vu désigné, par une note, à la suite d'un paragraphe
du rapport du comité central de vaccine, qui contient un blâme sévère contre
MM. Les maires et MM. les
desservants.
S'il est vrai que
j'ai signalé, que dans telle commune, le maire, moins par mauvais vouloir que par
indifférence, secondait peu le vaccinateur, je me suis hâté d'ajouter que c'était l'exception, et que je n'avais qu'à me louer du zèle, de l'intelligence et de la bonne volonté de MM.
les maires du canton. Et, quant à MM. les desservants, pas un seul mot dans mon rapport qui puisse les atteindre. D'ailleurs, diriger
contre vous, messieurs, une accusation quelconque de ma part eût été un
imprudent mensonge, qui aurait
reçu un démenti immédiat ; car tout le monde sait que, zélé observateur
de tous ses devoirs, le clergé de notre
canton se distingue surtout par
un esprit trop élevé pour pouvoir
être soupçonné de ne pas favoriser
de toute son influence la
propagation d'un moyen, qu'une expérience déjà longue a démontré être un
immense bienfait pour l'humanité.
Incapable
d'articuler un mensonge, encore
moins de faire une méchanceté, et
désirant particulièrement conserver
l'estime dont plusieurs d'entre
vous daignent m'honorer, je devais à ma considération personnelle, et je vous devais aussi, messieurs, les explications qui précèdent, et dont je vous
autorise, dans l'intérêt de la vérité, à faire l'usage qu'il vous conviendra.
Daignez agréer,
etc…
Le vaccinateur
du canton de Grenade, JOUVION.
Pour copie conforme
Le délégué du
clergé paroissial du canton de Grenade,
PINEL, desservant de St-Caprais (banlieue de Grenade).
Depuis cette époque
la vaccination est devenue courante pour plusieurs maladies, notamment la
grippe, et l’on a pu constater récemment qu’elle suscite les mêmes craintes et
les mêmes polémiques qu’autrefois.
En ce qui concerne la variole, la vaccination a complètement éradiqué cette maladie à tel point qu’elle ne figure plus au programme de l’enseignement dans les facultés de médecine. Le dernier cas connu dans le monde remonte à 1977, en Somalie.
Source : Le Journal de Toulouse